Pratiques courantes dans de nombreux pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique centrale, la production et la consommation d’insectes comestibles s’emparent de l’Europe, et des pays occidentaux en général, depuis quelques années. Et ce, sous l’impulsion de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture).
Cet organisme onusien promeut en effet l’utilisation d’insectes dans l’alimentation humaine et animale, en tant qu’alternative à la viande. Cette dernière étant trop gourmande en énergie.
Et avec le récent assouplissement de la législation européenne, on peut s’attendre à un développement relativement rapide de l’entomoculture, autrement dit de l’élevage d’insectes destiné à la consommation humaine et animale.
Quelles sont les principales techniques d’entomoculture existantes actuellement ? Quels sont les enjeux de cette filière et quelle est la réglementation qui la régit en France ? Voici quelques éléments de réponses.
Insectes comestibles : les techniques d’entomoculture
La récolte manuelle dans la nature, en forêt, constitue la façon traditionnelle de capturer des insectes (termites, fourmis, larves, chenilles de papillons, criquets, coléoptères) en vue de les manger.
Aujourd’hui, si cette méthode reste la plus pratiquée dans le monde, le concept d’élevage d’insectes pour l’alimentation humaine étant relativement nouveau. L’élevage d’insectes comestibles fait aussi l’objet d’expérimentation et de pratique à travers le monde.
Parmi les principaux systèmes de semi-élevage et d’élevage d’insectes comestibles figurent ceux énumérés ci-dessous.
La production naturelle améliorée
Il ne s’agit pas à proprement parler d’élevage, car les insectes restent dans leur habitat naturel. Grâce à certains travaux, l’habitat de ce dernier est toutefois modifié et amélioré à des fins alimentaires. L’objectif de cette technique est de modifier le comportement de l’insecte et ainsi de favoriser son développement en quantité et en qualité.
Les insectes issus de la production naturelle améliorée ne sont ni retenus en captivité ni isolés de leurs congénères sauvages.
Ce type de production existe, entre autres, en Amazonie, en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande, au Mexique et en Afrique subsaharienne.
Le mini-élevage familial
L’élevage domestique d’insectes comestibles peut permettre à une famille de :
- Améliorer sa propre alimentation.
- En tirer des revenus par la vente de leurs excédents de production.
On parle de mini-élevage, car ce type d’activité concerne de petits animaux (petits mammifères, amphibiens, reptiles ou invertébrés, y compris les insectes) d’un poids inférieur à 20 kilos, élevés pour le bénéfice potentiel nutritionnel ou économique qu’ils offrent au foyer ou à l’entreprise familiale. Ces petites bêtes sont de ce fait à différencier des animaux de compagnie, car ils sont élevés pour un usage domestique ou pour le profit. Elles peuvent d’ailleurs servir à nourrir les animaux de compagnie.
Le mini-élevage d’insectes comestibles ne demande que peu d’investissements techniques et financiers. De plus, l’élevage d’insectes ne requiert que de très faibles surfaces, contrairement à l’élevage du bétail, qu’il soit gros ou petit.
L’élevage industriel
Lorsque la production d’insectes s’élève au minimum à 1 tonne par jour, en poids frais, on parle alors de production industrielle.
C’est ce qui a été convenu lors de la « Consultation internationale d’experts sur l’évaluation du potentiel des insectes comme aliments pour les hommes et pour les animaux afin de contribuer à la sécurité alimentaire » qui s’est tenue au siège de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) à Rome en Italie, du 23 au 25 janvier 2012.
La production industrielle d’insectes pour l’alimentation humaine et animale est relativement récente.
Une telle entreprise, pour qu’elle réussisse, nécessite toutefois d’énormes investissements, car chaque espèce d’insectes élevés requiert un traitement personnalisé.
Ces investissements incontournables portent notamment sur :
- Les recherches sur la biologie de chaque insecte élevé.
- Les conditions d’élevage (climatisation contrôlée, exposition à la lumière optimisée, etc.).
- La formulation (pour chaque insecte) d’aliments artificiels, modifiés pour accroître leur valeur nutritionnelle.
- La mise au point de procédés automatisés.
- L’approvisionnement en nourriture de haute qualité.
Notons que, dès que les insectes sont destinés à l’alimentation humaine, leurs aliments ne peuvent contenir aucun élément néfaste pour l’homme. Ils doivent donc être bio.
Insectes d’élevage industriel : caractéristiques requises
Pour pouvoir être produit en masse, chaque insecte doit, d’après la FAO, posséder certaines caractéristiques :
- Une bonne capacité à se reproduire et à croître rapidement, en termes de poids et de quantité par jour.
- Un taux de ponte élevé.
- Un cycle de développement court.
- Un fort taux de survie des immatures.
- Un taux de conversion alimentaire élevé (quantité de nourriture requise pour produire une augmentation de poids de 1 kilo).
- La capacité de vivre dans des conditions de fortes densités.
- Une haute résistance aux maladies.
Parmi les petites bêtes qui remplissent ces conditions figurent la mouche soldate noire (aliment pour animaux), et le vers de farine (aliment pour l’homme et les animaux).
Il faut enfin savoir que, parce que les systèmes de production en masse présentent des vulnérabilités, l’utilisation exclusive d’une seule espèce d’insectes n’est pas recommandée.
Les enjeux de l’entomoculture
L’élevage intensif de bétail conventionnel (ou animaux à viande) peut devenir intenable au niveau environnemental dans les prochaines décennies. Or, en raison d’une population mondiale à la croissance rapide (9 milliards d’habitants en 2050), la recherche de nouvelles sources de protéines est devenue des plus urgentes.
400 000 tonnes de casse-croûtes grouillent sous nos pieds ! Autant de sources de nutriments essentiels pour l’homme et pour les animaux destinés à la consommation humaine.
L’entomoculture pour l’alimentation animale
L’utilisation des insectes pour l’alimentation animale présente un certain nombre d’avantages :
- La conversion des aliments en masse corporelle, chez ces petits invertébrés, est particulièrement forte.
- Peu d’aliments leur sont nécessaires pour qu’ils grandissent.
- Ils peuvent être élevés sur des déchets organiques.
En raison des coûts élevés du travail et de la construction des locaux d’élevage, les systèmes de production industrielle d’insectes comestibles valent malheureusement encore trop cher aujourd’hui.
À titre d’exemple, si l’on compte utiliser du ver de farine pour nourrir des poulets, le coût de production de cette nourriture serait 5 fois plus élevé que le prix des aliments conventionnels pour poulets.
L’entomoculture pour l’alimentation humaine
D’après la FAO, « un élevage de qualité est essentiel pour la généralisation de l’utilisation des insectes comme aliments pour l’homme ».
Les petites bêtes destinées à l’alimentation humaine doivent être nourries avec des aliments (plantes, céréales, etc.) exempts de pesticides et d’antibiotiques. En outre, les nourrir avec des déchets organiques est interdit. Ceci pour minimiser les risques de maladies chez les consommateurs.
En Europe, afin d’assurer l’innocuité des insectes destinés à l’alimentation humaine, les systèmes de production sont soumis à des normes sanitaires strictes, appelés « Paquet hygiène ».
Bref, pour réussir, l’élevage d’insectes pour l’alimentation humaine nécessite une très bonne connaissance de la biologie, des conditions d’élevage optimales, ainsi que de la nourriture de haute qualité pour les insectes.
L’entomoculture et ses nombreux atouts
Cette filière présente de nombreux atouts :
- Nutritionnels : dépendant des espèces, les insectes peuvent constituer de très bonnes sources de protéines, de minéraux et de vitamines.
- Économiques : la récolte et l’élevage d’insectes peuvent générer des emplois et être source de revenus pour les familles. Utilisés comme alternative à la viande comme source de protéines, les insectes participent en outre à la réduction des gaspillages alimentaires, car ils se nourrissent de peu. Leur taux de conversion alimentaire étant élevé, comparativement à celui du petit et gros bétail (2 kg d’aliments produit 1 kg d’insectes, alors que 8 kg d’aliments sont nécessaires pour produire 1 kg de viande).
- Environnementaux : les insectes demandent peu d’espace, peu d’eau et peu de nourriture pour se développer. Et leurs déjections sont valorisables dans le cadre de la culture biologique. Par rapport à d’autres filières, l’entomoculture génère moins de gaz à effet de serre ou autres polluants, et moins de déchets.
Le succès de la filière entomoculture dépendra cependant de sa capacité à mettre en œuvre une chaîne de production fiable, et à produire des aliments de qualité constante, à haute valeur nutritionnelle pour les animaux et pour les hommes.
La réglementation régissant l’élevage d’insectes comestibles
En France, il n’existe aucune réglementation spécifique à l’élevage d’insectes comestibles.
Cependant, la détention ou l’acquisition d’animaux d’espèces non domestiques (aussi appelés faune sauvage captive) est régie par le Code de l’environnement (articles L. 413-1 à L. 413-5) et ses textes d’application.
Ces dispositions réglementaires distinguent deux types de détenteurs d’animaux sauvages :
- Les élevages d’agrément.
- Les établissements d’élevage.
Les élevages d’agrément
Cette catégorie d’élevages concerne les éleveurs amateurs qui détiennent un nombre limité d’espèces d’insectes en captivité.
Ce type d’élevage doit :
- Concerner des insectes non domestiques, non protégés, non nuisibles, non dangereux.
- Être à but non lucratif.
- Être effectué à des fins personnelles et en petit effectif.
- Ne pas concerner la présentation au public.
Si ces conditions sont remplies, aucune démarche administrative spécifique n’est requise pour l’élevage des insectes.
Les établissements d’élevage
L’élevage professionnel d’insectes est régi par l’arrêté du 10 août 2004, précisant les règles générales de fonctionnement des installations d’élevage d’animaux d’espèces non domestiques.
Cet arrêté indique notamment que l’éleveur professionnel doit obtenir deux autorisations administratives complémentaires prévues aux articles L. 413-2 et L. 413-3 du code de l’environnement :
- Un certificat de capacité, qui atteste de la compétence de l’établissement à gérer ses animaux.
- Une autorisation d’ouverture, s’attachant à la conformité des installations.
Si l’établissement détient des espèces protégées ou dangereuses pour l’homme, il doit en outre posséder une autorisation de détention.
Toutes ces autorisations sont délivrées par le Préfet.
La réglementation européenne
Une nouvelle législation européenne sur les nouveaux aliments, également appelés « Novel Food », est entrée en vigueur le 1er janvier 2018. Les insectes y étant définis comme des « Novel Food », de nouvelles perspectives s’ouvrent aux opérateurs des pays membres de l’Union européenne qui veulent se lancer dans la production et la commercialisation de produits à base d’insectes destinés à l’alimentation humaine.
Notons que depuis le 1er juillet 2017, conformément au règlement (UE) 2017/893 du 24 mai 2017, l’Union européenne autorise l’utilisation de protéines issues de 7 espèces d’insectes (2 espèces de mouche soldat, 2 autres de ténébrion et 3 de grillon) pour nourrir les poissons issus de la pisciculture et de l’aquaculture.
Les substrats sur lesquels sont élevés ces insectes ne doivent toutefois contenir ni lisier (engrais composé d’un mélange liquide d’urine et d’excréments d’animaux de ferme) ni déchets de cuisine.
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